L’hydrogène, nouveau pétrole

, par JN

L’ hydrogène, nouveau pétrole.

Alors que la dernière COP a lamentablement échoué dans l’indifférence générale et que les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, un livre publié en mars 2019 vient donner un peu d’espoir. Il est intitulé : « L’hydrogène, nouveau pétrole » Il a été écrit par Thierry Lepercq, qui après avoir dirigé une entreprise d’installation de centrales photovoltaïques est entré chez Engie et dirige maintenant un organisme de promotion des energies renouvelables, sans doute une émanation d’Engie. Le livre est publié au Cherche-Midi.

Il contient une bonne et une mauvaise nouvelle
La bonne nouvelle est que les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, dont les prix ont énormément baissé depuis une décennie, produisent maintenant ou sont en passe de produire l’énergie la moins chère.Moins chère que le pétrole et le charbon sans parler du nucléaire.Deuxième bonne nouvelle l’auteur affirme que l’on peut désormais produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau à un coût compétitif .Il permettra de remplacer le pétrole dans presque tous ses usages. Que ce soit dans l’industrie, les transports ou le chauffage. Et cet hydrogène peut être stocké en très grandes quantités dans des cavités souterraines comme on le fait depuis longtemps avec le gaz naturel. C’est décisif car cela permet d’en produire beaucoup en été quand il fait soleil et chaud et le récupérer en hiver quand il fait nuit et froid. Il dit aussi qu’on peut le transporter même sur de longues distances par gazoducs ou en le liquéfiant à très basse température (-253°) ou encore sous forme de composés chimiques comme l’amoniacou mieux le dibenziltoluene obtenu en faisant réagir l’ hydrogène avec le toluène qui est un hydrocarbure. On peut le transporter facilement dans des pétroliers. A l’arrivée, on dissocie l’hydrogène du toluène que l’on récupère et qui ressert indéfiniment. L’hydrogène serait le nouveau pétrole comme l’indique le titre du livre.

Tout cela est très séduisant, mais une rapide recherche sur Internet amène à nuancer le propos. Pour le stokage souterrain, un rapport de l’INERIS (Institut National de l’Environnement industriel et des Risques) consacré à ce sujet indique : « ...des exemples de stockage opérationnels depuis une trentaine d’années, à notre connaissance sans accidents majeurs, attestent bien de la faisabilité de ce type de stockage. » en indiquant cependant qu’il faudra prendre davantage de précautions qu’avec le gaz naturel pour éviter les fuites, compte tenu du caractère très inflammable et explosible du gaz et de sa capacité à diffuser très facilement. Quant au dibenziltoluène, il en faut en transporter quatre tonnes pour avoir à l’arrivée, la quantité d’hydrogène équivalent en énergie à une tonne de pétrole.

La mauvaise nouvelle, c’est que le capitalisme s’engouffre dans ce que certains comme l’auteur du livre voient comme un nouvel eldorado. En témoigne la création à Davos, en janvier 2017 de l’ « Hydrogen Council » pour promouvoir son développement. Il s’agirait de produire en masse de l’électricité là où c’est le moins cher, en Mer du Nord pour l’éolien , dans les déserts pour le photovoltaïque.Des industries s’y installeront, et surtout, on produira de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, que l’on transportera vers les centres de consommation d’Europe et d’Asie.Il indique à titre d’exemple que 18 000km2 ( plus de deux fois la superficie de la Corse !)de capteurs dans le désert d’Atacama, au nord du Chili pourraient produire 3000 Tw-h d’électricité soit environ 5 fois la production française. Comme il n’y a pas d’eau dans les déserts, on amènera l’électricité sur la côte et là on dessalera de l’eau de mer pour l’électrolyser et en tirer le précieux gaz. L’Australie, le Maroc, le Mexique sont aussi sur les rangs et il serait étonnant que l’Arabie Saoudite ne songe pas à sa reconversion. Car dit il : « ... la grande bataille du solaire et de l’éolien compétitifs ne fait que commencer...on peut dire sans prendre de risque que ceux qui maîtriseront la chaîne industrielle et la production d’énergie en retireront une puissance immense » Cela permettrait de faire du business as usual décarboné. Oui mais quand on dessale de l’eau de mer on produit beaucoup de sel qu’on élimine en rejetant à la mer une saumure extrêmement salée qui descend au fond, chasse les poissons et y détruit toute forme de vie.On peut aussi utiliser l’eau fossile, mais c’est une ressource épuisable. Comme quoi le capitalisme même décarbonné reste un système prédateur et destructeur.

L’alternative est pourtant simple : le soleil luit et le vent souffle partout. Pourquoi centraliser une production si naturellement décentralisée ? C’est plus « compétitif ! » Et alors ? Compétitif par rapport à quoi ? Comme le soja OGM brésilien est plus « compétitif » que le soja bio produit par nos paysans. Les énergies renouvelables nous permettent justement de nous libérer des multinationales et de la pression des états producteurs. Il faudra faire éclore des milliers de mini parc éoliens et photovoltaïques. Les entreprises municipales allemandes ou en France celles de Bégane en Bretagne ou celle prévue à Vierzon avec le soutien de l’actuelle municipalité nous montrent la voie à suivre. Il faudra davantage d’investissements en particulier pour adapter notre réseau électrique à une production décentralisée et mettre en place la production et le stockage de l’hydrogène qui devront relever d’un service public. Au bout du compte il n’est pas sûr que l’énergie produite ainsi sera plus chère que celle que nous vendront les multinationales.Et même si c’était vrai, notre souveraineté énergétique comme notre souveraineté alimentaire justifieraient quelques sacrifices.Mais pour que cela advienne, c’est un combat politique qu’il nous faudra mener.Un de plus !