
Zone "Franche Aubaine" à Bourges ! Et si on arrêtait l’indécence ?
On a cru au Père Noël quand on pouvait lire sur le site de Bercy que les mesures d’exonérations liées à l’installation en ZFU étaient supprimées. Le gouvernement s’est empressé de les remettre en vigueur dans la loi de finances votée en février. On n’a plus de sous mais on continue de raser gratis, mais pas pour tous !
Zone Franche Urbaine, quelle aubaine !
• En 2013, nous nous étions révoltés de voir les médecins quitter la ville et ses quartiers pour s’installer en masse à « Esprit 1 », ce petit paradis fiscal concocté – au mépris de la volonté du législateur – par les élus locaux de l’époque (début des années 2000) dont certains s’y étaient précipités sans vergogne. Ce qui consistait pour eux à voter, pour leurs administrés, les impôts locaux auxquels ils avaient manœuvré pour y échapper.
Cette zone "Esprit 1" était hors la loi. En effet, la loi modifiée précise que « Des zones franches urbaines - territoires entrepreneurs sont créées dans des quartiers de plus de 10 000 habitants particulièrement défavorisés (…) Cette délimitation pourra prendre en compte des espaces situés à proximité du quartier, si ceux-ci sont de nature à servir le projet de développement d’ensemble dudit quartier". L’objectif vise à densifier commerces, ateliers ou professions libérales afin que ces installations, puissamment aidées, créeraient ou maintiendraient des activités afin d’assurer la mixité sociale et d’animer le cœur des quartiers en difficulté aujourd’hui appelés Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV).
L’État, représenté par le Préfet, avait validé un périmètre intégrant la zone Esprit 1 totalement isolé du cœur du QPV. Pas même un immeuble d’habitation à moins de 1,8 km ! Aucun lien ne peut être mis en avant pour justifier cette extension de la ZFU. Aucun bénéfice à tirer au profit des quartiers prioritaires ! Seul objectif : exonérer. Pour quel intérêt ? : assécher les finances de l’État ??(et pouvoir se plaindre des déficits ???).
Pour agir judiciairement « Esprit 1 », il aurait fallu à l’époque contester dans les 2 mois le décret instaurant la ZFU ! Attac18 s’est mobilisé en 2013 ; manifestation sur place, publication de nombreux articles dans la presse locale, pétition, lettres aux Ministres, rencontre avec la Préfète de l’époque. Nous intervenions pour empêcher le renouvellement de la mesure. Aucune démarche n’a abouti. La question du renouvellement des aides ds les ZFU se repose pour 2026.

ÉVOLUTION DE LA LÉGISLATION
- Sur le plan national, la centaine de ZFU est devenue Zones Franches Urbaines-Territoires Entrepreneurs (ZFUTE - Zone Futée, on ne peut mieux dire !) les conditions d’exonérations ont un peu évolué. Plus d’exonérations des impôts locaux, il en reste si peu !
- L’exonération d’impôt sur les bénéfices est fixée pour toutes les entreprises à :
- • 100 % pendant les 5 premières années
- • 60 % pendant la 6e année
- • 40 % pendant la 7e année
- . 20 % pendant la 8e année
(y compris les professions libérales qui étalaient auparavant leur exonération sur 14 ans !)
Esprit1, route de la Charité et le COMITEC, peuvent faire bénéficier de l’exonération d’impôt les bénéfices les entreprises, commerçants ou professions libérales qui remplissent l’une des 2 conditions suivantes :
• Au moins 50 % de ses salariés sont en CDI (ou en CDD d’au moins 12 mois) et résident dans une ZFU-TE ou dans un quartier prioritaire de la ville (QPV)Territoires urbains considérés comme prioritaires au regard de leur situation socio-économique (fort taux de chômage notamment)
• Depuis sa création ou son implantation, au moins 50 % de salariés embauchés en CDI (ou en CDD d’au moins 12 mois) résident dans une ZFU-TE ou un QPV
À noter
l’effectif de l’entreprise doit être respecté pour chaque année d’imposition. Le respect de l’une des 2 conditions s’évalue à partir du 2e salarié embauché.
Ainsi, une entreprise s’implantant dans une ZFUTE et n’employant qu’un salarié qui ne réside pas dans une ZFUTE peut bénéficier de l’exonération d’impôt. Mais une entreprise dans une ZFUTE qui emploie 2 salariés bénéficie de l’exonération uniquement dans le cas où l’un des salariés réside dans une ZFUTE ou dans un QPV.
BINGO ! Les médecins et autres professions libérales bénéficient donc, toujours sans contrepartie, de la largesse d’un État qui pourtant a du mal à trouver les milliards qui lui manquent pour équilibrer ses comptes. Un « effet d’aubaine » notent certains rapports sur le sujet,… qui, cependant, persiste depuis plus de 25 ans !
Sur Bourges, l’indécence des ces niches fiscales sans effet sur l’animation des quartiers du fait, notamment, de leur éloignement avait ému de nombreux habitants. Par ailleurs, en l’absence de contrepartie démontrée, il s’agit d’un concurrence déloyale vis à vis des autres commerçants. On peut s’étonner qu’aucun n’ait eu l’idée d’attaquer en justice.
INTEROGATIONS
L’actualité nous interpelle et Attac18 se pose deux questions.
1. - La première nous avait mobilisé à la création de la maison médicale du Val d’Auron dont le dernier médecin (élu d’une commune voisine) avait migré à "Esprit 1". Ainsi, non comptant d’exonérer les médecins "exilés" dans ce paradis fiscal, l’argent public en remettait une couche en financement la maison médicale à hauteur de plus de 300.000 €. Maison médicale où s’est installée une partie d’SOS médecins. Or, il apparaît qu’à Esprit1, SOS médecins à ouvert un nouveau cabinet.
Alors, peut-on oser imaginer ce scenario ? :
Il y a plus de vingt ans, des médecins d’SOS s’installent dans un immeuble des Gibjoncs ce qui leur donne toute légitimité, au regard de la loi, pour demander le bénéfice des exonérations fiscales multiples à l’époque dont celle des impôts sur le revenu totale pendant 5 ans puis dégressivement pendant encore 9 ans !14 ans en tout.
Leur exonération étant révolue, certains demandent au Député de l’époque, devenu aujourd’hui maire de Bourges, de construire une maison médicale au Val d’Auron pour palier au désert médical de la zone. Abandonnant le quartier des Gibjoncs, où ils n’avaient plus d’intérêt fiscal, ils s’y installent, sans loyer bien entendu.
Et maintenant, certains d’entre eux se retrouveraient à la Zone Franche Esprit1 !
QUESTION : auraient-ils osé demander le bénéfice d’une nouvelle exonération de 8 ans de l’impôt sur le revenu ?
2. - La deuxième, c’est l’information dans la presse selon laquelle il faut pour la énième fois démolir et reconstruire le centre commercial « Cap Nord »… Décidément, ce centre commercial ne marche pas : on est à la énième remise à plat ? N’est-ce pas l’absence des "exilés fiscaux" d’Esprit 1 ou du COMITEC qui auraient dû se trouver à "Cap nord" qui en serait la cause au moins en partie ?
Imaginons les services et entreprises installés à Esprit 1 s’installant autour de Cap Nord. Des réseaux et une clientèle permanente assureraient animation, mixité sociale et dynamisme de ce cœur de quartier. Or, voici l’argent public (3 millions !) à nouveau mobilisé alors que des « exilés fiscaux », sont calfeutrés à 2 km de là en faisant un pied de nez au cadre prévu par la loi, il est vrai,avec bénédiction d’un État défaillant et des collectivités sans boussole.
Pour répondre au cadre légal, rappelé au 2e paragraphe, l’État et les collectivités concernées se doivent de nous dire précisément si l’impact des zones Esprit1 et COMITEC à été "de nature à servir le projet de développement d’ensemble dudit quartier" (Gibjonc et Chancellerie) » ? Aujourd’hui, les autorités locales sont tellement peu concernées qu’il n’y a même pas une ligne de bus pour permettre de franchir les 3 km qui les séparent de la Chancellerie ni les 2 de Cap nord ! C’est vous dire si elles font le lien !
Le cas de Bourges, et sa ZFU hors du cadre légal, n’est pas isolé en France. Même les plus vertueuses n’offrent qu’un "effet d’aubaine" pour dispenser certains de payer les impôts sans effet signifiant pour les quartiers (QPV) ni en main d’œuvre, ni en animation de quartier. La loi de finance pour 2024 limite au 31 décembre 2024 le renouvellement des exonérations fiscales des ZFU. À l’heure des économies budgétaires, il serait choquant de les voir à nouveau reconduites au 1 janvier 2026 !
JN FERAILLE